LANDSCAPE AFTER TECHNOLOGY (TEXTE ABOUT PHOTOGRAPHY)

Texte de Romaric Tisserand

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DU PAYSAGE PHOTOGRAPHIQUE A LA TOPOGRAPHIE GENERIQUE –

La question du paysage a toujours été essentielle dès le début de la photographique, aussi bien comme trace de ce qui a été que comme outil de représentation du monde, de cet ailleurs intangible et désirable. Les premiers photographes européens parcoururent le globe faisant découvrir au monde le Brésil impérial, les temples égyptiens de Girault de Prangey, les chutes gelées du Niagara, la Cour de l’Empereur Meiji comme les cratères lunaires de Maurice Lœwy & Pierre Puiseux. La photographie devenait ainsi cet outil qui résolvait les mystères de l’ancien monde pour en créer d’autres. Le monde devenait “plusieurs” et d’une étrange proximité. 

LA COMPLEXITE ORIGINELLE DU MONDE

Le paysage photographique a été placé au centre de la construction de la représentation d’un monde originel que les colons européens utilisèrent pour organiser l’exploitation des terres vierges n’attendant que l’ordre et le progrès. Une révolution copernicienne qui marquera profondément des esprits du siècle en créant un nouveau support idéalisé de représentation de masse. Presque 150 ans plus tard, nous sommes à notre tour bouleversés par Internet qui impose 

LA MARCHE COMME CONQUETE DU TERRITOIRE  

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Traverser, couper, contourner, parcourir le paysage d’est en ouest, de Nord au sud, d’abscisses en ordonnées afin de confronter l’artiste au paysage contemporain américain. Il est la source idéalisée du paysage occidental par excellence. Il s’agit ici d’expérimenter le paysage comme ont pu le faire des artistes du Land Art, révoquant la notion de paysage, d’espace, ou de la topographie comme celui de l’accident ou bien des ratites plus récents comme des cinéastes tels Francis Alys ou Werner Herzog

Les images indexées avec un lieu et ceci dans le temps créent un paysage digital multiple et permanent,  avec un passé, un présent et un futur. 

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LE TERRITOIRE FICTONNELS ET SON DOUBLE NUMERIQUE

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Cette révolution digitale ne fait que renforcer à une échelle jusque là insoupçonnée cette vision fonctionnaliste du paysage dont les nouveaux outils numériques, collectent, compilent, analysent et synthétisent les moindres recoins du monde avec le risque de voir la complexité et l’étrangeté de celui-ci réduite à l’appauvrissement, la fragmentation et la répétition. 

Mais la multiplicité des techniques et des supports de l’image, est aussi l’opportunité de développer de nouveaux dispositifs. Entre l’objet photographique et son négatif, réceptacle du vrai, l’image liquide qui n’existe que sur les écrans, le dispositif, l’installation ou l’archive fictionnelle, tous offrent de nouvelles possibilités de conter le monde.

LE PARCOURS D’UN POINT ‘ A ’ A UN POINT ‘ B ’

ROMARIC_TISSERAND_LANDSCAPE AFTER TECHNOLOGY_PROJECT_FR_18-62_WEBLa notion de paysage a vu sa pratique évoluer et revigorer la perception du monde avec les nouvelles technologies de stockage et de diffusion tout comme elles ont pu l’appauvrir par la construction de paysages génériques. Se dessinent alors des tentatives d’esquisser une pratique spécifique photographique face à cette fragmentation multi-supports du monde.

L’idée de cette résidence sur le paysage digital serait alors celui du parcours du territoire, d’en nourrir les réseaux et finalement répondre à une question essentielle que les technologies digitales ont totalement négligées : non pas de savoir comment aller d’un point A à un point B mais de savoir ‘ pourquoi ‘ nous allons de ce point A à ce point B. 

LE PAYSAGE AMERICAIN  ( LA CARTE OU LE TERRITOIRE )

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Google Street View et leurs versions open source ont renforcé cette colonisation spatiale et mentale du paysage entamé en transformant le monde connu en unité binaire, faisant flotter au-dessus des lignes topographiques son double vectoriel : 

Le paysage ainsi transformé en deux points : celui du départ et celui d’arrivée, organisant et rationalisant, au plus court, la circulation des personnes et des biens au travers de ce paysage. Chaque relief, topographie, histoire mineure ou locale, est ainsi réduit à sa plus simple expression algorithmique, aplatie en tangentes géométriques, optimisées en facteurs temps et carburant.

LE PAYSAGE MULTIPLE

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Conscient de ces enjeux actuels liés à l’image, je souhaite développer une oeuvre digitale de ce que pourrait être la mémoire et la représentation du monde dans un futur proche, anticiper ou accompagner le champs des possibles du paysage numérique multiple. Appuyée par les nouvelles pratiques numériques photographiques par smartphones, le paysage est en perpétuel mouvement, perpétuelle actualisation, générant mémoire et confusion entre faits et fiction. Simple outil de reproduction qu’elle avait volé à la peinture, la photographie se voit à son tour déposséder de la finalité de reproduire le réel au profit de la narration.  La question reste donc ouverte sur la nouvelle technologie ou pratique qui seront en mesure de porter de nouveau le fardeau de la représentation du monde. Ce projet de résidence est une des directions que je souhaiterais parcourir.

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(THE IMAGINARY OF DATA) –

Les questions qui se posent actuellement en photographie contemporaine sont parfois proches de celles de l’exploration et la cartographie de l’infiniment grand comme de l’infiniment petit. Une lettre d’invitation du Chabot Space Center pour soutenir ces entretiens du projet est la marque de cet intérêt réciproque. Qu’en est-il également d’un paysage vu de différents points de vue ? Le Mont Everest cesse-t-il d’être le Mont Everest vu de la face Nord comme vu de la face Sud ? Garde-t-il les mêmes propriétés sous l’angle duquel il est aperçu ? La notion de temps est-elle liée avec la lumière comme c’est le cas pour le trajet de la lumière des étoiles ? Peut-être parce que l’étude de l’univers nous a appris que l’espace et le temps ne sont pas seulement intimement liés, mais que l’espace ‘ est “ le temps. Une perspective que la photographie partage lorsque le temps est celui qui définit la profondeur de l’espace disponible et perceptible.

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About Icaarlamarck

Romaric Tisserand is a visual and performance artist. His work is focused on new perspectives and practices in photography and contemporary culture, developing online exhibition like 3360 MoMO from M to O (1120times.com) or AAnonymes, the search of the deliberated accident (2005-2009) and new media supports. He has supported and coordinated a series of non-western and emerging artists, as well established artists: from Lise Sarfati’s in Roma at the Villa Medicis to Samuel Fosso’s monographic show at Rencontres d’Arles. He is creating a plumber shop gallery, MoMO Galerie, since 2010. Since, he is involved in artistic direction and production partnership with the studio and magazine Momologue.